A voir cette photo, on dirait que Louve est hyper agressive et désire se battre avec sa soeur Miss Me. Pourtant, il s'agit ici d'une situation de jeu. Avant de se prononcer sur la raison de cette situation, il faut donc prendre en compte, tout un paquets d'indices. Voici comment procéder pour bien lire une interaction entre chiens.
Observer deux chiens qui interagissent, c’est un art. Et c’est là que beaucoup d’humains se trompent, simplement parce qu’ils ne tiennent pas compte du contexte global. Tu peux voir deux chiens “jouer” et penser que tout va bien… alors qu’en réalité, l’un subit. Ou, à l’inverse, tu peux croire qu’ils “se disputent”, alors qu’ils sont en train d’ajuster leurs codes de communication de manière parfaitement saine.
Voici ce que tu dois regarder, dans le bon ordre, pour faire une analyse juste et nuancée
1. Le contexte global
Avant même de regarder les chiens, regarde où tu es et dans quelles conditions ils se rencontrent.
Espace neutre ou territoire personnel ?
→ Un chien sur son territoire (maison, jardin, jouet, humain préféré) aura souvent des réactions plus vives.
Espace restreint ou ouvert ?
→ Dans un couloir, un salon ou une entrée, la tension monte vite. Dans un grand espace, les chiens peuvent s’éviter.
Présence de ressources ? (humains, jouets, nourriture)
→ Ces éléments peuvent déclencher des gardes de ressources ou des micro-tensions.
État émotionnel des humains présents ?
→ Les chiens sentent ton stress. Si tu es tendu, ils le deviennent aussi.
Fatigue, douleur, chaleur, hormones, bruit, foule…
→ Tout ça influence l’état du chien et donc son comportement.
2. Les signaux d’intention (avant contact)
Observe comment ils s’approchent :
Corps souple, courbe, allure détendue ? → Bon signe.
Corps raide, regard fixe, tête haute ? → Tension.
Détour, reniflements au sol, mouvements lents ? → Politesse canine.
Ligne directe, oreilles hautes, queue figée ? → Intrusion potentielle.
Le premier contact visuel et olfactif dit beaucoup : s’ils se reniflent en alternance, s’ils s’offrent des pauses, tout va bien. Si un des deux bloque ou fige, l’autre devrait pouvoir s’écarter sans être poursuivi.
3. L’équilibre des échanges
Regarde si les rôles s’inversent.
L’un poursuit → puis l’autre prend le relais ?
L’un se couche → puis se relève et repart à la charge ?
L’un attrape → l’autre répond avec le même niveau d’énergie ?
Quand les rôles alternent, le jeu est équilibré.
Quand un seul domine constamment, il faut intervenir.
À surveiller :
Y a-t-il des pauses naturelles dans l’interaction ? (secousses, reniflements, détournements de tête)
L’un des deux cherche-t-il à quitter et l’autre le force-t-il à continuer ?
Les vocalises (grognements, aboiements, couinements) sont-elles proportionnées à l’énergie du moment ?
4. Les signaux de communication subtils
Apprends à lire le langage canin :
Détournement du regard, léchage de truffe, bâillement, courbe du corps, oreilles semi-plates, mouvements ralentis, queue basse mais mobile → signaux d’apaisement.
Fixation, tension musculaire, immobilité soudaine, poils hérissés, respiration coupée, queue rigide, menton haut → signes de malaise ou de menace.
Ces signaux sont le “dialogue silencieux” entre chiens. Si tu ne les vois pas, tu risques d’interpréter une escalade de tension comme du “jeu”.
5. Le rythme émotionnel
Demande-toi :
Est-ce que le niveau d’énergie augmente constamment, ou y a-t-il des moments de retour au calme ?
Est-ce que les deux chiens semblent capables de se réguler (par eux-mêmes) ?
Est-ce que l’un s’excite alors que l’autre s’éteint ?
Un bon jeu est rythmé, fluide, ponctué de respirations.
Un mauvais jeu est tendu, rapide, sans pause.
6. La fin de l’interaction
Observe comment ils se séparent :
Se secouent, s’ébrouent, s’éloignent calmement ? → Interaction réussie.
Un reste figé, surveille l’autre, ou tente de le retenir ? → Frustration ou tension.
L’un fuit, se réfugie derrière un humain, ou se couche sur le côté ? → Trop d’intensité.
7. Ton propre biais humain
Les humains confondent souvent :
“jeu” et “bagarre”,
“dominance” et “malaise”,
“gentillesse” et “invasion de l’espace”.
Ne te fie pas qu’à la “tête joyeuse” ou à la “queue qui bouge” : une queue qui bouge vite et haut n’est pas forcément joyeuse, c’est souvent un signe d’excitation… voire de tension.
En résumé : les 3 grands repères
Fluidité du mouvement → tout ce qui est souple, ondulé, alterné = bon signe.
Réciprocité des rôles → le jeu doit être partagé, pas imposé.
Capacité à faire des pauses → si un chien ne peut pas s’arrêter, il ne joue plus, il s’emballe.
Sur ce, bonne observation!
Danielle Gauthier De Varennes
Éducateur comportementaliste canin
FIDÈLE CANIN